Le pesticide chlordécone fut utilisé dans les plantations de bananes dans les îles caribéennes de la Guadeloupe et de la Martinique (îles françaises des Antilles françaises) afin d’éradiquer le charançon du bananier, un insecte qui ravageait les cultures. La pratique était parfaitement légale depuis les années 1970, et pour les propriétaires des bananeraies, le pesticide était une manière efficace de réduire leurs coûts et d’augmenter leurs profits.
Toutefois, à mesure que le produit chimique fut drainé du sol vers les rivières puis l’océan, il contamina les eaux des fermes de crevettes, les marécages des mangroves1 où l’on pêchait des crabes, ainsi que les eaux littorales où prospéraient alors de fructueuses pêcheries de langoustes. Dès lors, le gagne-pain de communautés entières de pêcheurs fut détruit, et les habitants qui consommaient du poisson contaminé tombèrent malades.
En 2013, des pêcheurs dénonçant ce scandale sanitaire manifestèrent dans les rues de Fort-de-France (la plus grande ville et chef-lieu de Martinique) et bloquèrent le port. Frank Nétri, pêcheur en Guadeloupe, s’inquiétait : « J’ai mangé des pesticides pendant 30 ans. Mais qu’arrivera-t-il à mes petits-enfants ? »
En 2012, la proportion d’hommes martiniquais atteints d’un cancer de la prostate était la plus élevée au monde, le taux de mortalité était plus de quatre fois supérieur à la moyenne mondiale, et les enfants étaient victimes de dommages neurologiques (maladies du cerveau).
Les pesticides comme le chlordécone ont des retombées environnementales, appelées externalités négatives. Ils procurent des bénéfices privés à ceux qui décident de les utiliser, mais, en dégradant l’environnement – ici les ressources en eau –, ils imposent des coûts externes aux autres agents économiques, coûts qui ne donnent pas lieu à une compensation monétaire.
Afin de comprendre pourquoi on parle d’externalité (ou effet externe), imaginons un instant que les bananeraies et les activités de pêche appartiennent à la même entreprise, qui emploie aussi les pêcheurs et vend les produits de leur pêche pour réaliser un profit. Les propriétaires de cette entreprise décideraient dans ce cas de la quantité de pesticide à utiliser, en prenant en compte ses effets positifs sur la culture de banane, mais aussi ses effets très négatifs pour la pêche. Ils feraient un compromis entre les profits issus de la branche banane et les pertes de la branche pêche de leur entreprise. Et si cette entreprise était possédée par l’ensemble des citoyens, ces derniers tiendraient compte également des dommages du pesticide sur la santé des habitants.
Mais ce ne fut pas le cas en Martinique et en Guadeloupe. Les bananeraies détenaient les profits de la production de bananes dynamisée par l’utilisation des pesticides. Les pertes de la pêche « appartenaient » quant à elles aux pêcheurs. Enfin, l’effet polluant causé par le pesticide ne concernait pas les personnes décidant de son utilisation.
1 La mangrove est un écosystème de marais maritime qui se développe le long des côtes protégées des zones tropicales et subtropicales.
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